Éditorial de la Gazette de l’Institut de Droit Public des Affaires (IDPA)

12/08/2020

Alors que la nouvelle promotion de l’IDPA vient de débuter sa période de cours et séminaires, le contexte économique qui est le notre depuis plusieurs mois et le sera sans nul doute encore pendant bien d’autres n’est pas sans soulever des interrogations.

Une des principales est très prosaïque mais essentielle: la grave crise economico-sanitaire due à l’épidémie du COVID 19 a t ‘elle et va t’elle durablement affecter les cabinets d’avocats et réduire par la même les nouveaux recrutements? Le résultat du sondage effectué en avril par le CNB auprès de 10.000 avocats ne permet pas d’apporter une réponse rassurante : pour ces derniers, la crise est et sera très impactante sur la profession et ce serait près d’un tiers d’entre eux qui envisagerait à plus ou moins long terme de quitter cette dernière. Au moment du sondage, 41%des avocats y ayant participé étaient totalement à l’arrêt et 70% ont vu leur activité réduite de plus de la moitié.. Même s’il ne concernent qu 1/7ème des avocats de France, ces chiffres sont suffisamment apparus alarmants pour que des mesures de soutien de la profession aient été adoptées, s’agissant notamment de l’allègement temporaire des cotisations ordinales.

Et malgré le déconfinement intervenu depuis et le lancement d’un certain nombre de plans de relance, dont le dernier d’un montant de plus de 700 milliards d’euros par la commission européenne, un aléa certain pèse sur la santé économique de notre pays-de la plupart de pays d’europe et du monde en fait- et donc un manque de visibilité dans les mois voire les années qui viennent.

Du point de vue des avocats publicistes, faut il pour autant s’alarmer de cette situation et de cet avenir? Il est évident que, mécaniquement, la restriction des dépenses publiques qui ne pourra qu’être alimentée par la diminution attendue des recettes fiscales, notamment sur le plan local, rejaillira sur des projets envisagés ou lancés par des structures publiques et para publiques. Le new deal provoqué par les plans massifs de relance nationaux et européens peut tout de même permettre d’espérer une continuation voire un développement de certaines opérations. S’agissant du secteur des travaux publics, du bâtiment, du logement ou encore de l’aménagement, dont on connait le poids sur la croissance économique, l’avenir ne parait peut être pas si morose. Extension et modernisation de gares ferroviaires- St Charles à Marseille pour ne donner qu’un – mais aussi des ports tant civils que militaires, construction de nouveaux terminaux aéroportuaires, réaménagement urbain au bénéfice des mobilités douces, grands travaux, notamment en terme de logement et de transport, au sein des métropoles et en premier lieu du Grand Paris,  rénovation des centres hospitaliers et donc des CHU…on pourrait citer de multiples autres exemples, des constructions de grands ensembles de batiments tertiaires RE 2020 aux réalisations de centres aquatiques en passant par l’essor toujours continu de cités dédiées à la gastronomie Française et régionale, aux stations de production d’eau potable mais aussi-et surtout-d’épuration… avec le developpement très rapide des constructions bois et evidemment la transition écologique qui ne pourra que booster le developpement de tels projets, l’activité pourrait bien être davantage soutenue ces prochaines années que prévu. Bien sur, tout ne se résume pas au BTP mais sa bonne santé ne pourra qu’irradier bien d’autres secteurs tant publics que privés.

Et l’avocat publiciste, justement,  dans ce paysage, comment se positionnera t il? Il sera évidemment amené à continuer à intervenir en tant que conseil tant auprès des structures publiques que privées en contrats de la commande publique- 10% du PIB annuel rappelons le-, en montage d’opérations de construction et d’aménagement, en accompagnement sur des problématiques de protection de l’environnement et de développement durable, d’aides publiques, de fonction publique, de droit de la concurrence appliqué au interventions publiques dans l’économie, sans bien évidement parler de tout l’aspect contentieux…et prévention du contentieux qui lui aussi a récemment connu un fort developpement. Tous les besoins dans des domaines aussi vastes ne sont pas prêts de disparaitre, au contraire pourrait on se permettre d’avancer.

Les avocats publicistes ont une vraie carte à jouer en cette période particulière, surtout s’ils bénéficient de formations spécialisantes comme à l’IDPA qui leur confèrent une opérationnalité particulièrement recherchée. Les collectivités publiques -mais aussi les opérateurs économiques- ont besoin d’ingienerie et d’imagination juridique, de solutions et montages novateurs, de conseils dans leurs stratégies de politiques publiques, par exemple s’agissant de l’identification et de la valorisation de leur patrimoine…Pour donner un exemple concret, et alors que le – trop- faible nombre de SEMOP en montre toutes les limites, sans doute faut il penser de nouvelles formes  structurelles mais aussi contractuelles de partenariat public-privé, à l’instar des réflexions actuelles sous l’égide des Fédérations concernées relatives à la création d’une nouvelle forme d’entreprise publique locale à destination des établissements de santé. D’autres réflexions et groupes de travail sont en cours, par exemple sur le retour des occupations domaniales avec droits réels du type BEA sous une forme différente, ou encore le remaniement du marché de partenariat, devenu une sorte de paria dans le paysage contractuel public alors que, en restant encadré tout en étant assoupli, il peut encore largement prouver son utilité.

On ne pourra que compter sur les nouvelles générations d’avocats publicistes pour accompagner et accentuer tous ces mouvements, et prouver que s’ouvre devant eux, devant nous, une époque juridique que l’on peut croire formidable.