CONCESSIONS, LUMIERES ET OBSCURITES

12/10/2020

Archétype du financement privé d’équipements publics, la concession a permis, notamment aux 19ème et 20 ème siècle, la construction de la plupart de nos réseaux- d’energie, de transport…- et de bon nombre de nos bâtiments publics, et ce dans des domaines bien divers. Ce n’est pas le Baron Haussmann qui le contredira, lui qui a été titulaire de dizaines de concessions pour remodeler le Paris que nous connaissons encore de nos jours.

Et puis, la concession s’est petit à petit effacée, concurrencée par d’autres formules contractuelles et perdant de sa visibilité au regard des affermages, gérances et autres  régies intéressées qui ont éclot ici et là; le coup de grâce ayant été porté par la loi Sapin de 1993 et l’avènement de la convention de délégation de service public qui l’a carrément écrasé pendant plus de vingt ans.

Elle est pourtant de retour depuis quelques années. Seul autre contrat de la commande publique à coté des marchés publics dans le tout récent code de la commande publique, elle a su remplir le vide laissé par des contrats puis des marchés de partenariat victimes de leur image dégradée auprès de bon nombre d’acheteurs publics. Et, au vu des opérations en cours ou en préparation sur l’ensemble du territoire- sans être exhaustif, des centres aquatiques aux équipements sportifs, culturels, ferroviaires,  portuaires et aéroportuaires, même si certains de ces chantiers ont été freinés par la crise économico sanitaire-, opérations auxquelles il faut ajouter tous les contrats d’externalisation de la gestion d’activités de service, la concession semble avoir le vent en poupe auprès des collectivités publiques.

Elle doit portant faire face à plusieurs ombres qui viennent quelque peu ternir cet engouement.

D’abord, une concession, pour être viable, doit reposer sur un modèle économique solide et bien réfléchi. Rares sont aujourd hui les concessions transférant la totalité du risque sur leurs titulaires, surtout s’il s’agit de contrats comportant de l’investissement et de l’exploitation. Et si cela est le cas, leur procédure de passation se termine souvent rapidement, du fait d l’absence de candidats ou de propositions peu adaptées aux demandes et attentes de l’autorité concédante. Il est ainsi indispensable d’équilibrer les charges et risques entre cette dernière et les titulaires des contrats, et de mixer leur financement via des subventions publiques ou des recettes annexes notamment tirées de valorisations domaniales.

Bien sur, il convient dans chaque cas que le risque principal, s’agissant avant tout de l’exploitation, pèse sur le concessionnaire, sous peine de tomber dans le giron des marchés publics. Mais là se situe la deuxième ombre au tableau : cette frontière qui persiste entre les marchés publics et concessions, qui repose sur un concept de risque bien délicat à cerner et sur une analyse économique difficile à appréhender par des juristes, est elle toujours légitime, alors que le régime tant de passation que d’exécution de ces deux contrats tend à se rapprocher de plus en plus? Va` t’on continuer à assister à des revirements de jurisprudence, comme dans le domaine du mobilier urbain, qui, s’ils ravissent les commentateurs toujours prompts à les marquer de leur plume, ne peuvent qu’attiser un sentiment d’insécurité chez ceux qui sont chargés de préparer et d’attribuer ces contrats?  

La clé réside sans doute dans le droit européen. Espérons que les futures directives qui devraient voir le jour dans les prochaines années accélèrent encore l’unification des contrats de la commande publique et abandonnent des distinctions dont l’obsolescence est de plus en plus évidente.

Jean Marc Peyrical

Maitre de conférence à l’Université de Paris-Saclay

Directeur de la Chaire Achat Public de l’Université

Avocat Associé

Président de l’Association pour l’Achat dans les Services Publics